Château de la Fontaine

Avatar de Thomas Delestraint

Au cœur du plat pays, à la croisée des grandes places européennes, Lille et sa métropole se dressent au milieu de la Flandres, là où la terre porte encore les traces des batailles et les espoirs des ouvriers. Son emplacement stratégique a fait d’elle un carrefour de puissance et de rayonnement, mais aussi une proie sur la route des tragédies des siècles passés. Mais Lille et sa région ne se contentent pas de survivre, elles renaissent et se réinventent sans cesse, car mille fois meurtries par les guerres, les occupations et les désindustrialisations, elles ont su, à chaque épreuve, se relever plus fortes, tels des phénix, pour devenir une métropole dynamique tournée vers l’avenir.


Cette résilience, presque miraculeuse, a cependant un prix. Depuis l’essor fulgurant du XIXe siècle, Lille et sa sœur Roubaix, capitales européennes du textile, ont connu une croissance vertigineuse, où seule la hauteur des cheminées fumantes semblait montrer une limite à cette frénésie. Aujourd’hui encore, villages et campagnes ont été engloutis dans cet imbroglio urbain, scellant le destin d’un territoire : celui d’une métropole urbanisée à l’excès, où l’espace vert est devenu une denrée rare, remplacé par le béton et la brique, matériaux rois d’une construction sans répit.

Pourtant, derrière cette fausse austérité, qui fait, il faut le dire, aussi son charme, se cache une histoire bien plus complexe. Ces villes, bâties dans l’urgence de la révolution industrielle, puis reconstruites après les deux guerres mondiales, portent en elles les traces d’un dilemme permanent, comment concilier préservation et modernité ? Un équilibre où le patrimoine, qu’il soit naturel ou historique, semble avoir payé le prix fort. Et pourtant, dans ces paysages denses, certains lieux ont su résister au temps, en conservant cette âme unique, témoin silencieux de toutes les époques qu’a traversées la région. Des fragments de nature où l’Histoire s’écoute à travers les pierres et les racines de ces espaces préservés.


Le Château de la Fontaine et son parc comptent parmi les derniers vestiges du maniérisme flamand, autrefois prédominant dans la région, en dehors du centre-ville de Lille où il réside quasi exclusivement. Niché sur la commune de Croix, aux portes de l’ancienne capitale des Flandres, ce domaine semble avoir été suspendu au temps.


Parvenir au Château de la Fontaine, c’est d’abord emprunter une longue allée ombragée, au bout de laquelle se trouvent deux lions de pierre, gardiens silencieux des lieux. Une fois la grille et sa porte fortifiée franchie, le visiteur pénètre dans un écrin de verdure dont les origines remontent au XIIIe siècle, là où une famille de chevaliers, dits LaFontaine, décident de s’y installer, en lieu et place, selon la légende, d’une source miraculeuse. Se dresse alors l’architecture élancée de ce joyau flamand du XVIIe siècle, enclavée dans un parc aux arbres centenaires, et reflété d’un étang miroir où la fontaine jaillit en son centre tel un écho aux origines de ce lieu.


Aujourd’hui, le Château de la Fontaine n’est plus seulement un témoin du passé, mais un lieu vivant, ouvert à l’année aux entreprises en quête d’un cadre inspirant, venues pour se ressourcer et travailler. Intégré au Fonds Gérard et Bernadette Mulliez, il s’inscrit dans une démarche plus large, où entrepreneuriat, santé, environnement, et mécénat se croisent pour soutenir des projets innovants et solidaires. Bien plus qu’un simple espace de location, le domaine se veut aussi être un outil au service des associations accompagnées par le Fonds. Ainsi, les entreprises comme les acteurs associatifs peuvent y puiser une énergie unique, à la croisée de l’histoire locale et d’une modernité engagée, une façon de perpétuer l’état d’esprit du lieu.

Le rez-de-chaussée est un voyage temporel où chaque salle raconte une époque, délivre une ambiance. À l’étage, les espaces ont été repensés pour accueillir les entreprises, dans un mélange de modernité et de respect de l’âme des lieux.

Salle Affection
Style néo-classique français revisité

Mobilier en noyer massif
Style début XXe

Occupé par l’armée allemande pendant la Première Guerre mondiale, le château, lourdement endommagé, est racheté par l’industriel Benoît Roussel en 1920. Il entreprend alors de lui rendre son faste d’antan, entame une importante restauration du bâtiment, et un aménagement du parc, pour lui donner son aspect actuel. La décoration intérieure du château est confiée à des noms prestigieux comme le décorateur Jansens, qui signera aussi le restaurant l’Huîtrière à Lille, aujourd’hui Louis Vuitton.


Les boiseries du grand salon et sa cheminée en pierre de Paris sont restaurées (NDLR : salle Beauté), tandis que certaines pièces, comme la salle Espoir et ses faux marbres inspirés du XVIIe siècle, sont en réalité les décors d’un film tourné au sein du château dans la seconde moitié du XXe siècle.


À découvrir

La restauration du second étage

En 2024, le second étage du château a fait l’objet d’une restauration majeure, visant à préserver la structure en bois devenue vétuste, tout en refaisant entièrement la charpente. Aujourd’hui, cet étage se transforme en un espace de location, qui a su conserver une ambiance chaleureuse et authentique.

Les jambes de forces centenaires, partiellement conservées, côtoient la nouvelle charpente en bois, dans un merveilleux mélange de modernité, savoir-faire, et préservation du patrimoine.

Comme pour le premier étage, ces espaces sont pensés pour des usages variés, afin d’accueillir les entreprises et les associations. Lumineuses, modulables et équipées, les salles traduisent parfaitement l’esprit de ce lieu, s’adapter aux besoins contemporains sans jamais renier son passé.

Le Château de la Fontaine est un modèle vertueux tout à fait atypique pour la région. Jadis réservé à une élite, il s’ouvre aujourd’hui aux entreprises et aux associations, un lieu où chacun, désormais, peut y trouver sa place.

Au sein du Château, les décorations se dévoilent comme un dialogue entre les époques. Une collection de faïences de Provence datant du début du XXe siècle côtoie une somptueuse tapisserie persane du XIXe siècle, posée au milieu des boiseries flamandes centenaires, sans en dénaturer l’âme des lieux. Ces éléments témoignent du passage des différents propriétaires, des fragments d’histoires personnelles, dont l’empreinte confère aujourd’hui au château son caractère singulier et hors du temps.

Pour les visiteurs particuliers, une visite guidée est organisée chaque début de mois, ainsi que pendant le week-end des Journées Européennes du Patrimoine en septembre.


Le Château de la Fontaine aurait pu disparaître. Deux fois marqué par les guerres, passé des mains les seigneurs à celles des industriels, il aurait pu finir en ruines, comme tant d’autres vestiges d’une Flandre engloutie par le béton et l’oubli. Pourtant, il résiste. Non pas comme un monument figé, mais comme un lieu qui respire, qui travaille, qui inspire. Grâce à des entrepreneurs, mais aussi grâce à tous ceux qui, avant eux, ont cru en sa survie, il a échappé à la logique implacable de l’urbanisation qui martèle son territoire. Il est un espace vivant, où les entreprises viennent chercher une énergie différente, où les associations trouvent un ancrage, où l’histoire se mêle au présent sans que l’un n’efface l’autre.

C’est là, peut-être, que réside son plus grand paradoxe. Autour de lui, la métropole lilloise porte les cicatrices de son propre dynamisme : villages avalés par l’étalement urbain, friches industrielles, paysages redessinés par la précipitation du progrès. Pourtant, le Château de la Fontaine reste l’un des derniers témoins d’une modernité qui ne renie pas son passé, qui s’appuie sur ses racines plutôt que de les effacer. Un exemple quasi unique qui reflète l’Histoire de cette région, et qui montre qu’il est encore possible d’y trouver des joyaux préservés.



Commentaires

Une réponse à “Château de la Fontaine”

  1. Avatar de Michel Courtecuisse
    Michel Courtecuisse

    très beau reportage, nous sommes transportés dans le temps une merveille

Répondre à Michel Courtecuisse Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *